Qu’est-ce que l’orthopédagogie? Mon enfant a-t-il besoin d’un orthopédagogue?
- August 9, 2017
9 août 2017 – rédigé par Élise C.
On entend beaucoup parler des orthopédagogues parmi les ressources essentielles aux écoles ces dernières années. En effet, ils sont souvent parmi les premiers auxquels on réfère un enfant lorsque l’on constate des difficultés scolaires.
Selon les statistiques de l’éducation[1], le nombre d’élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (HDAA) dans les classes monte en flèche. De 2009-2010 à 2013-2014, le nombre d’élèves HDAA a en effet grimpé de 22 000 au Québec. De plus, selon la clinique d’évaluation neuropsychologique et des troubles d’apprentissage de Montréal (CENTAM), 10 à 15 % de la population serait affectée par des troubles d’apprentissage.
Quant à l’analphabétisme fonctionnel, on constate une proportion inquiétante du nombre de citoyens québécois qui seraient touchés. On parle de 53 % des personnes de 16 à 65 ans[2].
Ces chiffres brossent un portrait évocateur quant à l’importance des orthopédagogues. Les élèves HDAA ont besoin d’interventions pédagogiques différenciées, c’est-à-dire adaptées à eux comparativement au cheminement typique des autres élèves.
L’orthopédagogie
Tel que mentionné sur le site Internet de l’Association des orthopédagogues du Québec (ADOQ), orthopédagogie est formé des mots grecs orthos et paidagôgia. Le premier signifie « droit », « correct » ou « normal », alors que le second signifie « éducation des enfants ».
Si la pédagogie concernait à l’origine l’éducation des enfants, son sens s’est étendu et concerne aujourd’hui plus vastement les méthodes d’enseignement. L’orthopédagogie, quant à elle, étudie les méthodes pédagogiques qui peuvent « redresser » ou rendre « correct » un apprentissage. C’est donc auprès d’élèves présentant des difficultés ou des troubles d’apprentissages qu’elle s’applique.
Le travail d’orthopédagogue
L’orthopédagogue est un spécialiste des sciences de l’éducation qui travaille avec les élèves nécessitant des stratégies d’apprentissage adaptées à eux. Il est un professionnel qui dépiste les élèves à risque de développer des difficultés scolaires, les élèves présentant des difficultés ou ceux ayant des troubles d’apprentissage.
Mais qu’est-ce qu’une difficulté ou un trouble d’apprentissage ? On parle de difficultés d’apprentissage lorsque les obstacles à l’apprentissage sont temporaires. Ces obstacles peuvent être dus à ce que vit l’enfant (un deuil, le divorce de ses parents, une situation économique précaire, etc.). On considère alors une variété de facteurs affectifs, sociofamiliaux, motivationnels et économiques. En revanche, on parle de troubles d’apprentissage lorsque les obstacles à l’apprentissage sont persistants. Dans ce cas, c’est un dysfonctionnement neurologique qui nuit à l’acquisition des connaissances.
L’orthopédagogue va donc d’abord évaluer les obstacles de l’élève dans « le domaine du langage parlé et écrit, du raisonnement logico-mathématique et du développement psychomoteur »[3]. En d’autres mots, il brosse un portrait des forces et faiblesses d’un élève en lecture, en écriture et en mathématiques. Il évalue ses connaissances, ses stratégies et ses processus cognitifs.
À la suite de l’évaluation, l’objectif de l’orthopédagogue est d’élaborer des stratégies d’apprentissage propres à l’élève. Celles-ci visent à corriger ou à compenser ses écueils. Il sera par ailleurs en mesure de déterminer si des évaluations complémentaires sont nécessaires (orthophonie, neuropsychologie, ergothérapie, etc.).
Mon enfant a-t-il besoin d’un orthopédagogue?
Il est bon de savoir quels sont les signes à reconnaître qui justifient le recours à un orthopédagogue.
D’abord, il se peut que votre enfant ait déjà reçu un diagnostic de trouble d’apprentissage. Ceux-ci comprennent la fameuse famille des « dys », soit la dyslexie, la dyscalculie, la dysorthographie, la dysphasie et la dyspraxie. Ces troubles sont spécifiques à une fonction cognitive.
Dysphasie
Trouble du développement du langage oral.
- difficulté à comprendre les mots abstraits,
- compréhension restreinte du vocabulaire,
- omission des mots de liaison,
- difficulté à trouver les mots exacts, etc.
Dyspraxie
Trouble du développement qui affecte le contrôle, la coordination et la planification d’un geste moteur.
- mauvaise préhension du crayon,
- difficulté à calligraphier,
- difficulté en géométrie, etc.
Dysorthographie
Trouble de l’acquisition et de la maîtrise de l’orthographe.
- inversion ou ajout de lettres dans un mot,
- inversion ou ajout de syllabes dans un mot,
- erreurs grammaticales, etc.
Dyscalculie
Trouble de l’apprentissage du nombre et du calcul.
- difficulté à dénombrer,
- difficulté à faire ses tables de multiplication,
- difficulté à comprendre un énoncé mathématique, etc.
Dyslexie
Trouble de l’apprentissage de la lecture qui affecte la capacité à identifier les mots écrits.
- confusion entre les lettres miroir (b/d) et les sons similaires (ch/j);
- omission, substitution ou inversion de sons dans un mot (poulin/poulet, clame/calme);
- lecture lente des mots irréguliers,
- orthographe changeante des mêmes mots, etc.
Les autres troubles d’apprentissage qui peuvent être diagnostiqués et où l’intervention de l’orthopédagogue aiderait sont :
- le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H),
- les troubles du spectre de l’autisme (TSA).
Toutefois, l’orthopédagogue ne travaille pas seulement avec les élèves présentant un trouble de l’apprentissage. Il va aussi travailler avec les élèves à risque, c’est-à-dire susceptibles de développer des difficultés scolaires, et ceux qui en éprouvent. Il cherchera à établir des outils pédagogiques qui pourront aider l’élève à progresser.
Comment savoir si votre enfant est concerné?
Souvent, il va dissimuler ses difficultés en adoptant un certain comportement. Vous pourriez alors remarquer que votre enfant :
- manque de motivation à l’école,
- affiche un comportement turbulent,
- perturbe ses camarades de classe.
Il n’est pas rare aussi que ses difficultés scolaires minent sa confiance personnelle et le rendent plus anxieux. Cela s’explique par le fait qu’il se fatigue plus rapidement que les autres, car il déploie plus d’efforts pour accomplir les mêmes tâches que ses pairs. L’enseignant et vous-même pourriez noter que votre enfant :
- rencontre des problèmes d’organisation,
- manque de stratégies d’étude,
- présente des retards d’apprentissage,
- obtient de mauvais rendements scolaires,
est en voie de rater son année scolaire.
Que fera l’orthopédagogue ?
Dans un premier lieu, l’orthopédagogue va évaluer les habiletés de votre enfant en lecture, en écriture et en mathématiques. Les tests qu’il décidera d’utiliser sont à sa discrétion, mais il y en a qui sont communs :
- Test d’habileté scolaire Otis-Lennon : une évaluation des habiletés cognitives de la 6e année du primaire jusqu’à la fin du secondaire
- Keymath : une évaluation standardisée des habiletés mathématiques essentielles
- Odedys : un outil de dépistage de la dyslexie et de la dysorthographie
- Alouette : un test d’analyse de la lecture et de la dyslexie
- Wiat : un outil identifiant les habiletés scolaires de base
Ensuite, l’orthopédagogue dressera un plan de rééducation précisant les défis à relever. Ses interventions peuvent varier. Il pourra ainsi enseigner à votre enfant des stratégies métacognitives adaptées à ses difficultés et qui l’aideront à apprendre par lui-même. Par « métacognition », on entend « penser sur ses propres pensées ». C’est donc, pour l’élève, de prendre conscience de ses incompréhensions et de ce qu’il fait pour s’aider. Voici quelques stratégies que l’orthopédagogue peut transmettre :
- Stratégies d’autocorrection
- Stratégies de repérage des informations importantes dans un texte
- Stratégies d’organisation et de planification des travaux
- Stratégies de résolution de problèmes en mathématiques
Certaines notions peuvent être enseignées par l’orthopédagogue pour entraîner l’élève à développer des habiletés. Par exemple :
- La conscience phonologique : il s’agit de percevoir, de découper et de manipuler les sons du langage comme la syllabe, la rime et le phonème. Entraîner la conscience phonologique en bas âge mène à une meilleure maîtrise de la lecture et de l’écriture.
- L’association de graphèmes et de phonèmes : il s’agit ici d’entraîner l’élève à associer un son à une lettre ou à un groupement de lettres (ex. : « ch », « ille »).
- Les régularités orthographiques : il y a quelques règles sous-entendues en français qui permettent de gagner du temps à l’écriture (ex. : le son « je » s’écrit toujours « ge » en fin de mot).
De plus, l’orthopédagogue déterminera si des aides pédagogiques seraient utiles à votre enfant. Le but est que l’enfant apprenne à les utiliser d’une manière efficace qui répondra à ses besoins. Par exemple, voici des outils didactiques communs :
- Antidote : un correcteur orthographique qui met en évidence les erreurs, ce qui aide l’enfant à se questionner et à réfléchir.
- WordQ : un prédicteur de mots qui permet d’écrire les mots de manière plus précise et plus rapide.
- ABRACADABRA (A Balanced Reading Approach for Canadians Designed to Achieve Best Results for All) : un logiciel d’alphabétisme anglophone pour les jeunes enfants afin de travailler la conscience phonologique, la maîtrise de la lecture, la compréhension et l’écriture.
En orthopédagogie, le plus important est de transmettre des méthodes d’apprentissages et des ressources. L’objectif est d’aider l’élève à apprendre à apprendre avec de nouveaux outils adaptés à ses difficultés.
Orthopédagogie et tutorat
L’élève suivi par un orthopédagogue a avant tout besoin d’une pédagogie différenciée. Aujourd’hui, dans les classes, il est fréquent de voir plusieurs élèves avec des plans d’intervention. La tâche devient donc particulièrement lourde pour l’enseignant d’assurer une méthode d’apprentissage qui convient à chacun.
Utiliser les services d’un tuteur pourra alors suppléer à ce besoin de pédagogie différenciée. Bien que le travail du tuteur ne soit pas de l’ordre de l’intervention, comme celui de l’orthopédagogue, il guidera et aidera l’élève en difficulté à s’approprier le contenu scolaire. Le tuteur peut travailler à partir du plan d’intervention de l’orthopédagogue. Il tient alors compte des besoins spécifiques de votre enfant lorsque vient le temps d’intégrer la matière scolaire. Le tuteur s’y adapte et respecte son rythme d’apprentissage.
De cette façon, l’enfant suivi en orthopédagogie peut appliquer ses nouvelles stratégies d’étude et utiliser ses nouvelles ressources technologiques. Le tuteur l’encadrera pour qu’il utilise les techniques transmises par l’orthopédagogue.
Par ailleurs, le tutorat en dyade, ou en paire, semble être une option prometteuse en combinaison avec l’orthopédagogie. En 2015, un rapport[4] a synthétisé les connaissances actuelles sur les services offerts aux élèves en situation de handicap ou ayant des besoins spéciaux. Le rapport mentionne une étude qui a comparé le tutorat un à un à celui d’élèves regroupés en dyade avec un tuteur. Les résultats montrent que les jeunes en dyades avec d’autres élèves possédant des difficultés similaires ont enregistré les progrès les plus importants. Des améliorations ont en effet été constatées dans l’apprentissage de l’alphabet, du vocabulaire et de la conscience phonologique.
Une autre étude[5] montre que dans les écoles d’immersion, le tutorat par des pairs plus âgés en combinaison avec l’orthopédagogie améliore efficacement le niveau de lecture pour les élèves avec des difficultés mineures. Les parents et élèves ont notamment souligné que cette expérience avait eu des effets positifs sur la motivation des élèves envers la lecture, en plus d’augmenter la reconnaissance qu’ils ont de leurs difficultés.
Il va sans dire que la collaboration entre les différents intervenants dans l’apprentissage de votre enfant est essentielle. Une bonne communication entre le tuteur, l’orthopédagogue et les parents est un gage de réussite !
[1] Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec (MEES)
[2] Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA)
[3] Association des orthopédagogue du Québec (ADOQ)
[4] Dubé, F., Ouellet, C. et Moldoveanu, M. (2015). Modèles d’organisation des services qui favorisent l’accès, la persévérance et la réussite scolaires des apprenants en situation de handicap ou ayant des besoins spéciaux. Montréal, Québec : Université du Québec à Montréal.
[5] Bournot-Trites, M., Lee, E. et Séror, J. (2003). Tutorat par les pairs en lecture : une collaboration parents-école en milieu d’immersion française. Revue des sciences de l’éducation 291 : 195–210.
Autres sources
Centre d’évaluation neuropsychologique et d’orientation pédagogique : http://cenopfl.com/index.php
Commission scolaire de la Beauce-Etchemin :
Association des orthopédagogues du Québec :
https://www.ladoq.ca/orthopedagogue
Institut des troubles d’apprentissage :
Clinique d’évaluation neuropsychologique et des troubles d’apprentissage de Montréal :
http://www.centam.ca/trouble_apprentissage.html
Mémoire par Caroline Soucy, Université du Québec à Trois-Rivières :
http://depot-e.uqtr.ca/5876/1/000567596.pdf
Clinique d’évaluation et réadaptation cognitive de Montréal :
http://www.cerc-neuropsy.com/fr/nos-services/orthopedagogie
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